Les perquisitions nocturnes, un droit exceptionnel

La loi du 16 décembre 1992 dérogeait au principe d’inviolabilité du domicile pour les perquisitions nocturnes en lien avec les infractions de proxénétisme ou participation à une association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation des infractions de proxénétisme.

Le législateur a toutefois pris soin de préciser que les actes autorisés ne peuvent à peine de nullité, être effectués pour un autre objet que la recherche ou la constatation des infractions relatives au proxénétisme.

A l’identique, la même loi via l’article 706-28 du Code de procédure pénale, a autorisé les perquisitions nocturnes dans les locaux lorsqu’ils ne sont pas affectés à l’habitation pour la constatation des infractions relatives au trafic de stupéfiants et celle du délit de participation à une association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer l’une de ces infractions.

Toutefois, ces actes ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions précitées.

En ce qui concerne les infractions de terrorisme, la loi du 22 juillet 1996 indiquait que si la nécessité d’une enquête de flagrance ayant pour objet une infraction relative au terrorisme l’exigeait, des perquisitions pouvaient être opérées en dehors des heures légales.

 

Sur la généralisation de l’exception

La loi du 9 mars 2004 qui avait pour objet essentiel d’appréhender la criminalité organisée, a prévu que si une enquête de flagrance relative à l’une des infractions relevant de la criminalité organisée visée à l’article 706-73 du Code de procédure pénale l’exige, le Juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser des perquisitions en dehors des heures légales (article 706-89 du Code de procédure pénale).

On trouve des dispositions analogues en matière d’enquête préliminaire (article 706-90 du Code de procédure pénale) et d’instruction préparatoire (article 706-91 du Code de procédure pénale), le législateur ayant autorisé dans ces hypothèses, des perquisitions nocturnes dans des locaux autres que ceux d’habitation.

Toutefois, en cas d’urgence, la loi permet au juge d’instruction d’autoriser les officiers de police judiciaire à procéder de telles opérations dans des locaux d’habitation :

  • Lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant,
  • Lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels,
  • Lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu, sont en train de commettre une infraction relevant de la criminalité organisée (article 706-91 du Code de procédure pénale).

 

Par la suite, la loi du 17 août 2015 a étendu le champ d’application des perquisitions nocturnes aux infractions énumérées par l’article 706-73-1 du Code de procédure pénale qu’elle a instituées telles que l’escroquerie, la dissimulation d'activités ou de salariés, le délit d'atteintes au patrimoine naturel commis en bande organisée.

Cepenpant, la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016 a exigé que ces actes doivent être justifiés par l’urgence ou l’impossibilité de les effectuer le jour.

La loi du 3 juin 2016 a autorisé les perquisitions nocturnes sous réserve que l’ordonnance judiciaire soit désormais motivée quant à l’impossibilité d’accomplir de telles opérations pendant les heures légales (article 706-92 alinéa 1er du Code de procédure pénale).

Elle a également exigé que l’ordonnance judiciaire comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait caractérisant l’urgence dans les hypothèses où les textes spécifiques soumettent à cette condition les perquisitions nocturnes dans les locaux d’habitations (articles 706-90 alinéa 2 et 706-91 du Code de procédure pénale).

La loi du 28 février 2017 impose désormais la motivation spéciale de la décision ordonnant des perquisitions nocturnes, celles-ci devant être fondées sur l’urgence ou les nécessités de l’opération.

De même, en cas d’urgence, la loi du 3 juin 2016 a autorisé, dans le cadre d’une enquête préliminaire, les perquisitions nocturnes dans les locaux à usage d’habitation dès lors qu’il s’agit de rechercher l’une des infractions visées au 11ème de l’article 703-73 du Code de procédure pénale, à savoir des crimes ou des délits constituant des actes de terrorisme et que la réalisation de ces opérations est « nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ».

A l’identique des hypothèses précédentes, l’ordonnance judiciaire doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations soient nécessaires et qu’elles ne peuvent être réalisées pendant les heures légales prévues à l’article 59 du Code de procédure pénale (article 706-92 alinéa 1er du Code de procédure pénale).

 

La récente loi du 20 novembre 2023 a procédé à un nouvel élargissement du domaine des perquisitions nocturnes en introduisant un article 59-1 du Code de procédure pénale qui autorise ces opérations pour les besoins d’une enquête de flagrance relative à l’un des crimes portant atteinte aux personnes autres que ceux relevant de la délinquance et de la criminalité organisée qui sont déjà soumis à un régime dérogatoire.

Ces opérations qui doivent être autorisées par une ordonnance spécialement motivée du Juge des libertés et de la détention ne peuvent être effectuées que dans les 3 hypothèses suivantes :

  • Lorsque la réalisation de l’opération est nécessaire pour prévenir un risque imminent d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique,
  • Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d'être commis,
  • Pour permettre l'interpellation de la personne soupçonnée s'il est nécessaire de procéder à une telle interpellation en dehors des heures légales afin d'empêcher cette personne de porter atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs.

 

Les juges constitutionnels, dans une décision du 16 novembre 2023, ont considéré que lesdites opérations sont justifiées par la recherche des auteurs d’infractions particulièrement graves, dans certains cas d’urgences limitativement énumérées.

Depuis la réforme opérée par la loi du 20 novembre 2023, les perquisitions nocturnes peuvent donc être régies par les règles de droit commun et non pas uniquement par les textes spécifiques ayant introduit un régime dérogatoire afin de lutter efficacement contre les formes les plus graves et les plus complexes de criminalité organisée.

Rappelons toutefois que l’ordonnance d’autorisation doit préciser la qualification des infractions dont la preuve est recherchée et « être spécialement motivée au regard des cas d’urgences limitativement énumérés et faire référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu’elles ne peuvent être réalisées pendant les heures prévues à l’article 59 du Code de procédure pénale » (décision du Conseil constitutionnel du 16 novembre 2023).

 

Fabien PEREZ

Avocat associé au Barreau de Marseille